La crainte n’était pas infondée, car depuis l’Allemagne, une énorme vague d’eau s’approchait du delta néerlandais. On ignorait si les digues allaient tenir. Le maire nimègois Ed d’Hondt, également président du comité régional d’intervention de Nimègue, ne voulut prendre aucun risque et annonça le 30 janvier l’évacuation obligatoire du «Land van Maas en Waal» et du Ooijpolder. Des dizaines de milliers d’habitants quittèrent leur foyer. Beaucoup d’entre eux purent loger chez des parents ou amis, d’autres furent accueillis par des organisations privées ou publiques. Des milliers d’évacués trouvèrent refuge dans des monastères, casernes et centres sportifs nimègois. Des journées tendues s’ensuivirent. Mais l’eau redescendit et le 6 février, le ministre des affaires étrangères Hans Dijkstal autorisa le retour des évacués.
Les presque-inondations de 1995, avec leur ambiance de crise, la catastrophe menaçante et les évacuations massives, laissèrent de profondes traces à Nimègue. Pourtant, la ville était depuis toujours familière des crues, grandes débâcles et inondations. Notamment en 1809, la plus grande catastrophe hydrologique de la région. Les dirigeants et les citoyens durent aider non seulement les habitants de la basse-ville, mais aussi la population du Ooijpolder et de l’Over-Betuwe. Et le roi Louis Bonaparte leur adressa personnellement des paroles d’encouragement. Un geste bienvenu pour une ville qui, comme en 1799, s’était remplie de gens évacués en barques de leurs maisons. De tels spectacles se répétèrent plusieurs fois au dix-neuvième siècle, par exemple en 1820, 1855 en 1861. Au vingtième siècle, malgré des crues régulières, des catastrophes de cette envergure ne se reproduisirent que rarement. La ville ne se transforma plus qu’une fois, en 1926, en refuge lors d’une inondation, après l’éclatement du Maasdijk près d’Overasselt qui laissa le «Land van Maas en Waal» totalement submergé. Depuis, le souvenir des inondations et de lutte contre les catastrophes s’émoussa. Jusqu’à ce que la menace d’inondation de 1993 et surtout de 1995 ravive la force du «monstre gris» dans la mémoire collective nimègoise.